L’analyse DHF du symposium: 

L'analyse DHF du symposium

de Douar ha Frankiz

Les divers intervenants de ce symposium ont abordé la notion d’indépendance via plusieurs angles : langue, autodétermination, impact économique, migration, augmentation de la présence de l’extrême droite, impacts futurs pour la population catalane. 

La 1ère table ronde

Elle a notamment permis de faire un point sur l’état du mouvement depuis le référendum d’indépendance en 2017, ainsi que sur les opportunités à saisir. Abel Riu, auteur, diplômé en sciences politiques et co fondateur du Thin Tank Catalonia Global Institute, a notamment évoqué l’importance de la Diaspora dans l’image à renouveler du mouvement d’indépendance, qui a pu / peut être ternie par les médias notamment, alors que ce mouvement loin d’être passéiste voit vers l’avenir et a toujours été un mouvement pacifique. Nùria Franco quant à elle, chercheuse en politique, a abordé le thème de l’immigration. Ce sujet, délicat à aborder aujourd’hui de par la main mise effectuée par l’extrême droite, ne doit pas non plus être mis de côté car il amène des opportunités pour le mouvement. 

==> Au niveau de la Bretagne, de façon plus générale, ces deux thématiques s’appliquent : comment améliorer l’image du mouvement et de l’indépendantisme, et comment reprendre à notre compte le sujet de l’immigration de façon positive afin qu’il ne soit plus le monopole de l’extrême droite ? 

L'analyse DHF du symposium: 

La 2ème table ronde

Les intervenants : Elizenda Paluzie, ancienne présidente de l’ANC (Assemblea Nacional Catalana), vice-présidente de l’UNPO et économiste ; Vicent Partel, journaliste catalan et directeur du site d’information en catalan Vilaweb; Pello Urzelai, journaliste basque et membre de la direction de Gure Esku. L’idée que l’autodétemination est un antidote à l’impérialisme a été énoncée par Elizenda, ainsi que la question qui en découle : comment renforcer l’autodétermination ? Plusieurs voies étudiées par l’UNPO : l’autodétermination est un instrument pour résoudre les conflits, pour apporter de la vérité et de la stabilité, est une aide à la participation politique tandis que l’autoritarisme est une négation de la différence. Par essence, l’autodétermination est donc antinomique avec l’extrême droite. Exemple de la Corse ou l’indépendantisme a permis de faire barrage au RN. Vicent quant à lui pense que d’une part les luttes de libération nationale ne sont pas dépassées, mais qu’au contraire dans le contexte actuel de perte de démocratie et d’autoritarisme il y a des opportunités pour l’indépendantisme. Enfin, Pello a évoqué la convergence des luttes indépendantistes qu’il estime nécessaire. 

==> Pour nous, encore une fois ces éléments peuvent être rapportés à notre lutte. La mise en avant d’éléments avantageux sur ce que nous amènerait l’indépendance versus le rejet de l’état colonial nous permet d’envoyer une image plus positive et plus constructive de notre mouvement. Parmi les documents distribués lors du symposium, on trouve notamment des données chiffrées plus parlantes que de simples notions telles que « l’Espagne spolie chaque année 22.000.000.000€ aux citoyens catalans », « Le budget de la santé pour 2023 s’élevait à 9 789 M€, soit quasiment le même qu’en 2009, malgré l’inflation. Il représente un pourcentage du PIB inférieur de 1,7 point à celui de l’Espagne et de 2,6 points à celui de l’Europe. La Catalogne pourrait avoir +2,7 M€ avec le modèle de financement basque, ou +5 M€ avec les normes de PIB moyens européens ». Plus clair encore, le chiffre rapporté par personne : « Chaque Catalan, comme toi, perd 2 800€ chaque année qui partent à Madrid et ne reviennent pas ». 

L'analyse DHF du symposium: 

La 3ème table ronde: 

Intervenants : John Packer, professeur de droit et de résolution des conflits internationaux à l’Université d’Ottawa ; Neus Torbisco, professeure de droit au Geneva Graduate Institute et autrice ; Timothy Waters, professeur de droit à l’Université d’Indiana et auteur. Sont principalement évoquées les notions de perte de droits humains au niveau mondial (cas de la Palestine où malgré des infractions régulières et conséquentes aux droits humains le soutien international n’est pas obligatoirement acquis), de l’intervention grandissante des états notamment par le biais militaire, de l’affaiblissement des frontières existantes, de la perspective d’avoir de plus en plus de nations qui soutiennent l’indépendance; la notion du droit à avoir des droits, le fossé entre la loi et l’application de la loi. Un parallèle est également établi entre la répression du mouvement d’indépendance en Catalogne et le racisme, les catalans étant considérés comme des « citoyens de seconde classe » par l’état espagnol qui ne leur accorde pas les mêmes droits qu’aux Espagnols (langue, culture…). Ne pas oublier également que les minorités seraient des majorités dans leur propre pays. Nous devons réfléchir à la question comme si elle était posée par un avocat: « la question n’est pas ce que vous voulez, mais qu’êtes vous prêts à accepter? »

==> Les éléments apportés lors de cette table ronde laissent à penser que le système impérialiste va bientôt arriver à un point de rupture. Trop de répression, trop peu de respect des droits humains et un autoritarisme grandissant ne peuvent qu’amener à des conflits, non voulus par les citoyens mais comme système légitime de défense pour le respect de leurs droits trop longtemps bafoués. L’indépendantisme est amené à progresser notamment par rejet de ces politiques d’assimilation et de négation du droit à l’autodétermination. 

L'analyse DHF du symposium: 

Analyse globale du symposium: 

Aller voir à l’extérieur ce qui se passe pour les autres mouvements indépendantistes, et entendre les interventions de personnalités spécialisées dans leur domaine autour de ce sujet, est instructif et réconfortant. Nous avons beaucoup de leçons à tirer, notamment de l’expérience catalane qui a su amener son mouvement d’indépendance beaucoup plus près de la libération que nous. Leur utilisation de données parlantes est un exemple à suivre car cela montre de façon claire et précise ce que nous gagnerions à être indépendants. Il ne s’agit pas seulement d’une envie d’identité, mais bien de retrouver nos droits. L’ANC a réussi à établir des données sur plusieurs axes : les impôts bien sûr, mais également l’éducation, les services sociaux, le logement, la retraite, la santé, les transports, l’emploi, la langue… il parait évident que ces données permettent de mobiliser plus largement les citoyens en les interpellant sur des sujets concrets. Leur organisation du symposium est totalement paritaire, à chaque table ronde il y avait le même nombre d’intervenants femmes / hommes. Pour poser des questions lors des tables rondes des cartes étaient distribuées afin que les questions soient posées par écrit pour 2 raisons principales : permettre à tout le monde, même les moins à l’aise à l’oral, d’intervenir mais également d’éviter toute « pollution » possible par des prises de paroles du public qui pourraient ne pas avoir de lien direct avec le débat et ainsi concentrer toute l’attention sur les sujets étudiés. Des pistes de réflexion très intéressantes découlent également de tout ce que j’ai pu observer en Catalogne : comment parler nos langues, ce qui est un acte militant, sans pour autant exclure du débat ceux qui n’ont pas eu la chance de les apprendre ? Comment nos langues peuvent-elles intégrer l’espace public, au-delà de la signalisation ? (En Catalogne, que ce soit dans les magasins, les restaurants… Nombre de produits, cartes, dépliants sont écrits en catalan. La langue est visible, dans de très nombreux endroits). Comment obtenir des données chiffrées, et avoir accès à des compétences plus larges autour du sujet de l’indépendance (économistes, avocats, journalistes…) ? Comment reprendre la main, et devenir autonomes sur des sujets qui nous concernent, notamment la langue et la culture et ainsi ne plus être dépendants de l’état colonial sur ces sujets d’une part, et redevenir maitres des décisions autour de ces sujets, question encore plus importante aujourd’hui du fait des baisses généralisées de budgets, de la fermeture de plusieurs structures culturelles historiques bretonnes faute de financements suffisants ? Comment aborder des sujets aujourd’hui clivants tels que la migration qui ont été jusque-là monopolisés par l’extrême droite ? Comment la combattre ? Comment faire converger notre lutte de libération nationale avec celle d’autres mouvements indépendantistes pour tirer le meilleur parti des expériences de chacun, avoir plus de force sur des sujets communs et optimiser l’énergie mise par les militants dans ces sujets ? Autant de pistes de réflexion qu’il nous va falloir étudier afin d’obtenir des avancées significatives. Tu peux toi aussi, que tu sois adhérent, sympathisant, ou lecteur de nos articles, participer en nous apportant ton point de vue, ton expertise, ou des éléments concrets. N’hésites pas à nous écrire !





Liens vidéos:

Pourquoi organiser ce symposium avec des intervenants internationaux, vidéo courte 2’16 (sous-titres en anglais) :  https://www.youtube.com/watch?v=jH1UFOV3lm0&feature=youtu.be 

Enregistrement complet du symposium:  https://www.youtube.com/live/Bb7WoLdA5nY

Conclusions de l’Assemblée Nationale Catalane sur le Symposium du 31 Octobre:

Le mouvement d’indépendance catalane dans le contexte mondial d’aujourd’hui:

Lors du symposium international « Le mouvement indépendantiste catalan dans le contexte mondial actuel », l’Assemblea a réuni des experts et universitaires catalans et internationaux afin d’examiner les défis et les opportunités que le nouveau contexte international présente pour le mouvement indépendantiste catalan et les nations sans État. L’événement s’est articulé autour de trois tables rondes, qui ont abordé, selon des perspectives complémentaires, les implications politiques, sociales et internationales de la lutte pour l’autodétermination dans le contexte mondial actuel.

Première table ronde : Le mouvement indépendantiste catalan à la croisée des chemins : dangers, défis et opportunités, animée par Jaume Bardolet, avec Núria Franco et Abel Riu. 

Partant du constat que le monde ne prête plus autant d’attention à la Catalogne qu’en 2017, compte tenu de l’émergence d’autres conflits qui ont largement éclipsé le mouvement indépendantiste catalan, les intervenants ont généralement convenu que le droit international et la défense des droits humains ont aujourd’hui encore moins de poids politique en tant qu’arguments persuasifs qu’à l’époque. De plus, dans le cas catalan, la répression étatique et la perte de la majorité indépendantiste au Parlement ont profondément modifié le paysage politique. À cet égard, Abel Riu a souligné la nécessité pour le mouvement indépendantiste catalan de reconstruire ce qu’il appelle une « subjectivité nationale catalane ». Celle-ci est essentielle non seulement pour que la Catalogne puisse agir comme un acteur international autonome dans la défense de ses intérêts collectifs, mais aussi pour lutter contre la dénationalisation interne au pays. Riu a également évoqué l’importance de lier la défense de l’autodétermination à une conception renouvelée de la construction nationale et à la défense de l’identité catalane, tant au niveau national qu’international, en surmontant les complexes et les récits étrangers qui tendent à l’occulter ou à la réprimer. Le politologue a insisté sur le fait que le climat mondial actuel de guerre et de génocide a inévitablement affecté la Catalogne, entraînant une augmentation et une normalisation de la haine et du racisme dans les médias, ainsi qu’un déclin de l’intérêt international pour la cause catalane par rapport à d’autres conflits plus dramatiques. Néanmoins, Riu a souligné l’importance pour l’Assemblea de poursuivre sa politique de dénonciation de l’État espagnol devant l’ONU et d’autres instances internationales, comme elle l’a fait récemment lors de l’Examen périodique universel et lors de l’analyse de la mise en œuvre par l’Espagne du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Enfin, il a appelé à une stratégie d’action étrangère renouvelée, fondée sur l’« unification » de la diaspora catalane à travers le monde. La politologue Núria Franco a axé son intervention sur la politisation de l’immigration en Catalogne – et plus largement dans le contexte des nations apatrides – un sujet qui était au cœur de sa thèse de doctorat. Elle a abordé le phénomène inquiétant de l’émergence de l’extrême droite au sein du mouvement indépendantiste, soulignant que cette évolution modifie la manière dont les partis indépendantistes traditionnels appréhendent les questions d’immigration. Elle a averti que le repli sur soi prôné par l’Aliança Catalana nuit considérablement au mouvement indépendantiste catalan en tant que cause rassembleuse et potentiellement victorieuse. Núria Franco a affirmé qu’il est essentiel d’attirer, et non d’éloigner, les deux millions de nouveaux Catalans (ceux arrivés en Catalogne depuis 2000), d’autant plus que la Catalogne manque d’outils et de compétences politiques en matière d’immigration. Parallèlement, Nùria Franco a souligné le risque de « minoritisation interne » que l’immigration pourrait engendrer, insistant sur l’importance de la perception qu’ont les nouveaux arrivants de leur nouveau pays – et notamment sur leur sentiment de loyauté envers l’État ou la nation qui les accueille. Elle a mis en avant le rôle essentiel de ce qu’elle a appelé les « anges gardiens » pour favoriser ce sentiment d’appartenance. Franco a également souligné qu’il est crucial de ne pas réagir de manière agressive face au manque de maîtrise du catalan chez les nouveaux arrivants, car cela peut engendrer du rejet. Elle a partagé son expérience personnelle contrastée d’immigrée : un accueil chaleureux en Écosse, mais une expérience inverse en Australie. Elle a conclu en insistant sur la nécessité de faire preuve d’intelligence et de créativité en Catalogne pour accueillir efficacement les immigrants, compte tenu de l’absence de moyens de gérer directement l’immigration.

Deuxième table ronde : Le rôle du mouvement indépendantiste catalan dans le contexte des nations sans État. Modérée par Teresa Calveras, avec Elisenda Paluzie, Vicent Partal et Pello Urzelai. 

Elisenda Paluzie a commencé son intervention en expliquant qu’à première vue, l’érosion du multilatéralisme et du système des droits de l’homme établi après la Seconde Guerre mondiale affecte négativement les nations sans État, car elle compromet leur capacité à exercer démocratiquement leur droit à l’autodétermination. Cependant, malgré les changements induits par la montée des conflits violents, Mme Paluzie ne voit aucune alternative viable à la voie empruntée en 2017. Elle estime néanmoins qu’il est nécessaire de la suivre à nouveau, avec une plus grande vigilance, en tirant les leçons des erreurs passées et avec la détermination d’aller jusqu’au bout une fois la lutte engagée. L’économiste a souligné la nécessité de s’inspirer des mouvements indépendantistes des années 1990, insistant sur la solidarité entre les nations et leurs organisations représentatives. À cet égard, elle a mis en lumière le travail de l’UNPO (Organisation des nations et des peuples non représentés), dont l’Assemblée nationale catalane (ANC) est membre. Elle a noté que cette adhésion a permis à l’ANC d’utiliser avec un certain succès les mécanismes internationaux de défense des droits humains, même si l’autodétermination demeure bloquée au niveau des Nations Unies. Paluzie a soutenu que l’indépendance doit être conquise par l’action politique au sein du pays, plutôt que d’attendre une décision extérieure. Malgré cela, elle a réaffirmé que le droit à l’autodétermination est né comme un antidote à l’impérialisme et que sa défense peut être revigorée dans le contexte mondial actuel. Elle a également souligné la nécessité de présenter l’autodétermination comme un facteur de stabilité, ajoutant qu’elle ne doit pas être perçue comme un droit isolé, mais plutôt comme indissociable de tous les autres droits et libertés. De même, Paluzie a insisté sur le fait que le mouvement indépendantiste doit être véritablement transversal, proposant des arguments et des motivations susceptibles de rallier toutes les perspectives idéologiques. En ce sens, elle a soutenu que lorsque les mouvements indépendantistes offrent une alternative porteuse d’espoir et transformatrice, ils constituent également un remède à la montée de l’extrême droite. Enfin, elle a observé que les mouvements indépendantistes ont tendance à se manifester par vagues, exhortant la Catalogne à profiter des vagues à venir tout en œuvrant à en générer une nouvelle, exprimant sa conviction que tôt ou tard, une telle vague déferlerait. Vicent Partal a réfuté l’idée que les luttes nationales ne soient plus à la mode, affirmant que toutes les guerres et tous les conflits majeurs actuels dans le monde sont, de fait, de nature nationale. Il a également insisté sur la nécessité de présenter l’autodétermination comme une force stabilisatrice, prévenant que, sans elle, les turbulences démocratiques persisteront. Concernant l’évolution des luttes des minorités nationales dans un monde de plus en plus hostile à leur égard, il a cité les cas de l’Irlande du Nord et de la Nouvelle-Zélande, où la reconnaissance de l’identité maorie progresse graduellement. Partal a également souligné le potentiel des outils modernes tels que l’intelligence artificielle (IA) et a soutenu que le déclin et la perte de crédibilité des démocraties représentent à la fois une crise et une opportunité pour les mouvements indépendantistes et les minorités nationales. Tout en reconnaissant que ce monde émergent est un monde où la liberté est moindre et les conditions de vie plus précaires, il a suggéré que cette situation ouvre néanmoins une « fenêtre d’opportunité », car « tout est en mouvement ». Il a conclu que la Catalogne pouvait contribuer à cette reconfiguration mondiale en offrant l’exemple du 1er octobre 2017 – un exemple remarquable de démocratie participative capable d’inspirer le changement dans un monde où la démocratie montre des signes alarmants de déclin. Partal a conclu en évoquant la figure de Julian Assange, qui avait qualifié le cas catalan d’exemplaire, de référence en matière de qualité démocratique dans le monde occidental. De même, en réponse à ceux qui perçoivent la politique catalane comme divisée, le journaliste a rappelé à l’auditoire que l’Estonie avait connu une situation similaire, avec trois propositions différentes et contradictoires. La seule différence avec la Catalogne, a-t-il noté, est que l’Estonie a obtenu son indépendance – et la Catalogne « ne l’a pas encore obtenue ». Pello Urzelai a exprimé sa conviction que, dans des périodes difficiles comme celle que nous traversons, les nations sans État doivent représenter une alternative face à la montée de l’extrême droite et de l’autoritarisme, et que nous ne devons pas sombrer dans un « pessimisme paralysant ». Il a soutenu que les nations sans État peuvent offrir à la société une alternative porteuse d’espoir, liée aux droits humains, à la dignité, à la justice sociale, au féminisme et à la solidarité. Urzelai a également exprimé sa confiance dans les mouvements au Pays de Galles, en Écosse, en Irlande et au Québec, qui, selon lui, reflètent « le potentiel d’un souverainisme alternatif ». Il a souligné trois tâches prioritaires pour les mouvements indépendantistes basque et catalan : • Approfondir un souverainisme porteur d’espoir. • Renforcer les majorités indépendantistes. • Établir des liens de coopération entre les nations sans État. Le représentant basque a également déclaré que, malgré des rythmes différents, les mouvements basque et catalan peuvent synchroniser leurs efforts, citant la « Via Pirinenca » – une action de protestation commune en 2022 – comme une expérience très positive démontrant la possibilité de cette coopération.

 Troisième table ronde : Soutenir les nations sans État face à la réduction des droits et à l’interventionnisme étatique croissant, avec John Packer, Neus Torbisco et Timothy Waters, animée par Ariadna Heinz.

 John Packer a décrit la situation actuelle comme un monde globalisé où tout est remis en question, y compris le concept même d’État-nation. Il a souligné que ce désordre crée des risques, mais aussi des opportunités, auxquelles les communautés nationales doivent apprendre à s’adapter. Au-delà de la création de nouveaux États-nations, le professeur a soutenu que les communautés politiques devraient utiliser leurs capacités pour assurer et renforcer le bien-être de leurs membres, ce que le statu quo actuel ne peut plus garantir. Packer a également affirmé que, dans le contexte actuel, la souveraineté est un mythe et que, de fait, « l’autodétermination est un oxymore », puisque personne ne se détermine véritablement. Le professeur a appelé à explorer de nouvelles façons d’affirmer et de protéger les éléments culturels et identitaires, arguant qu’il faut davantage de pragmatisme et d’efficacité, et moins de rhétorique. Timothy Waters a partagé l’avis de Packer quant aux difficultés que le nouvel ordre mondial pose à des causes comme la cause catalane, tout en identifiant des perspectives positives. Bien que l’obsession internationale pour la « stabilité » continue de bloquer la création de nouveaux États, Waters a prédit que la justification d’une telle politique s’affaiblira probablement avec le temps, permettant à terme aux communautés d’accéder à davantage de pouvoirs locaux. Il a également suggéré que, si les tendances actuelles se maintiennent, il pourrait devenir plus facile pour les nations sans État d’obtenir une coopération ou une aide extérieure. Tout en reconnaissant que les stratégies fondées sur les revendications démocratiques et relatives aux droits humains pourraient perdre de leur influence sur la scène internationale, Waters a soutenu que les approches géostratégiques, économiques et fondées sur les intérêts gagneraient probablement en importance et que les efforts devraient s’y concentrer. À cet égard, le professeur a noté que le cas palestinien démontre que les violations des droits humains ou les « atteintes à la démocratie » ne constituent plus des facteurs décisifs pour renforcer le soutien international à des causes telles que la cause catalane. La professeure Neus Torbisco a axé sa présentation sur la situation précaire des nations sans État dans le contexte géopolitique actuel, marqué par un nouveau populisme néo-autoritaire, la réaffirmation du nationalisme d’État et le recul des droits humains en tant que déterminants de la politique internationale. Face à ce scénario et à la résistance actuelle à la reconnaissance de nouveaux États, Torbisco a souligné le rôle central de la société civile dans le maintien des nations sans État et de leurs revendications de souveraineté. Selon elle, ces nations doivent être considérées comme des cadres garantissant un ordre démocratique et multilatéral renouvelé et renforcé, composé de communautés qui promeuvent la participation, la souveraineté partagée et la protection de la diversité. Par conséquent, Torbisco a soutenu que les mouvements d’autodétermination doivent éviter les positions ethnicistes ou raciales qui reflètent la logique des États néo-autoritaires, et se concentrer plutôt sur la défense de la survie culturelle, du droit à une reconnaissance égale et de l’identité de toutes les communautés nationales, tout en résistant aux politiques d’assimilation qui visent à leur disparition. L’autodétermination et les droits des minorités, a-t-elle conclu, sont aussi importants qu’urgents, et font partie intégrante de ce qu’elle a défini comme un projet de décolonisation – un projet que la droite radicale qualifie de « woke ». 

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